Dans le cadre du projet « Les Carrés 379 – Une Collection » initié par l’association 379 Artothèque et Galerie, Elisabeth Dumoulin a été invitée à produire 15 carrés sur un sujet librement choisi.
A l’origine de cette invitation, la présidente de l’association, Myriam LIBRACH qui a créé ce projet pendant la pandémie de Covid-19 et Brigitte Kohl qui le coordonne.
Depuis mai 2020, de nombreux artistes, sollicités par 379, abondent la Collection des Carrés en créant quinze œuvres au format 20×20 cm et proposent un texte pour accompagner leur démarche. Chaque carré, associé au texte, est présenté dans un portfolio numéroté et signé par l’artiste.
Ce témoignage, entre papier et pixels, installe l’artiste au cœur d’une époque charnière pour la création et nous donne à voir son cheminement entre traditions et nouvelles technologies.
Mes petits carrés
Voir les créations : Mes Petits Carrés – Elisabeth Dumoulin
Le projet « Les carrés 379-Une Collection », m’a d’emblée intéressée.
Appréhender le petit format, produire une quinzaine d’œuvres, je ne l’avais jamais fait auparavant. La nécessité de travailler en finesse et en cohérence et de me renouveler sans cesse, était pour moi un challenge. L’idée de partager ce projet avec une auteure de ma connaissance, Raymonde Lambillon, s’est rapidement imposée. Elle m’a proposé un texte portant sur la perception de son propre vieillissement, la perte de son pouvoir de séduction, mais aussi sur son espoir en la beauté. Je voulais que son écrit puisse être fil conducteur de mon inspiration, sans m’appliquer à un exercice descriptif. « FRISSON » en est le titre. Pour me l’approprier j’ai puisé dans mes expériences antérieures : ma préférence pour les matières, les nuances de gris coloré, l’utilisation de la technique du collage et mon constant souci de simplicité. L’observation de la nature environnante m’a inspirée autant dans la recherche de la lumière, que dans celle de la profondeur. Je me suis laissé porter par le texte et le pouvoir des mots :
- Je lis : ….vieille, image ridée, insidieuses lézardes, taches brunes, paysage noueux et usé…
- Je pense : ….désir de durer-, volonté de laisser une trace-, obsession de l’érosion-, peur de la disparition. – Les dalles du jardin, fendillées, mais encore belles, portent les griffures du temps qui passe. Des fragments de faïence montés à la surface de la terre me rappellent un pot façonné par des mains inconnues.
Des années 80 à aujourd’hui mon parcours a été jalonné de cours d’arts plastiques et d’histoire de l’art. J’ai rencontré des enseignants généreux et compétents, capables de transmettre leur passion, sans imposer leur point de vue, ce qui a permis l’émergence d’un mode d’expression personnel. J’aime le maniement subtil de la matière que j’investis essentiellement dans mon travail. La pratique de la céramique m’a ouvert d’autres horizons. Le détour par le volume a été bénéfique pour accéder à la peinture. Dans un premier temps, je peins sur des feuilles de papier journal, matière sans valeur. Ce détail est important pour moi. Au fur et à mesure de mes passages sur ce support, une belle profondeur apparaît. Arrivée à ce point, je découpe ou déchire le papier pour l’appliquer sur une toile. Des effets recherchés, d’autres, accidentels se produisent. Ce faisant, je laisse une place à l’aléatoire, à l’involontaire. L’objectif est de trouver une réponse à une question impossible, d’aller vers la structure. Le résultat de cette quête, qui serait de trouver une concordance entre ce que je veux exprimer et les moyens plastiques mis en place, n’est jamais vraiment atteint.
Pour cette création de quinze carrés initiée par Myriam Librach, j’ai fait le choix de travailler avec une auteure qui a mis à disposition le texte « Frisson » ce qui nous a permis d’échanger autour d’un thème. L’année précédente, j’avais déjà vécu l’enrichissante expérience d’une création en binôme : la conception d’une peinture sur les portes du petit orgue de la cathédrale de Saint Dié des Vosges avec Marylène Colignon. Je reprends ses propos parce qu’ils disent le sens de notre alliance : « A la base il y a eu une réflexion sur la possibilité de créer une peinture à deux avec la même méthode et un projet commun. La difficulté était évidemment d’accomplir un travail cohérent malgré nos gestuelles différentes.
De travailler avec d’autres est stimulant pour moi, que ce soit « en décalé » avec une auteure, ou directement en situation, comme pour portes de l’orgue. Ce projet des petits carrés très élaboré est comme un cadre solide dans lequel je pouvais me projeter. A la fois il y a besoin de solitude pour la création, et du regard de l’autre pour avancer.
Elisabeth Dumoulin 23 octobre 2021